Alors que s’ouvre, dans quelques jours, « Movember », l’événement annuel organisé, pendant le mois de novembre, par la fondation Movember Foundation Charity, pour sensibiliser l’opinion publique sur les cancers spécifiquement masculin (prostate, testicule), les hommes concernés restent discrets sur leur maladie. Pudeur disent certains ou plutôt refus d’en parler sous peine de subir les moqueries des autres mâles.
Le cancer de la prostate, cette glande exclusivement masculine de la taille d’une noix à 20 ans et d’une mandarine à 60 ans, et qui permet de fluidifier le sperme, ne touche pas seulement les personnes les plus âgées. En effet s’il touche les soixantenaires et au-delà, il peut aussi toucher des hommes de 45 ans. Quant au cancer du testicule, il touche des hommes jeunes, parfois âgés de 20 ans.
Si le second est souvent résolu par l’enlèvement du testicule cancéreux, ce qui n’empêche pas la personne concernée de procréer, c’est un peu différent de la prostate. Cette glande placée dans le bas de l’abdomen masculin, sous la vessie, est traversée par l’urètre par laquelle passe l’urine et le canal éjaculateur qui permet d’évacuer le sperme.
Lorsqu’un cancer est détecté, après passage en imagerie médicale (IRM) et une biopsie, un examen qui consiste à prélever un ou plusieurs petits fragments du tissu de la prostate, le chirurgien en urologie va procéder, selon l’importance de la tumeur, à un curage ganglionnaire ou une prostatectomie, c’est-à-dire une ablation de la glande.
Pour l’homme concerné, cet examen n’est pas sans conséquence sur la vie sexuelle puisque le chirurgien va devoir détourner le canal éjaculateur qui ne trouve plus sa source, vers la vessie. Si l’érection reste possible, le sperme produit par les testicules est alors envoyé vers la vessie et évacué avec les urines. Une chirurgie de précision qui n’est pas simple qu’il n’y parait, qui ne résout pas toujours le problème, des cellules cancéreuses pouvant s’échapper via la testostérone, principale hormone masculine, produite par les testicules, dans le reste du corps et principalement les os, via le système musculaire, pour faire simple.
Certains urologues ne sont pas convaincus des bienfaits de l’ablation et préfèrent se tourner vers un traitement de longue durée qui vise à faire écrouler la production de testostérone et par la même occasion la virilité des mâles. Et c’est là que le bât blesse, les hommes concernés se sentent diminués, handicapés, au point de cacher la vérité. Parfois à leur épouse et souvent à leur entourage, de peur qu’on se moque de leur impossibilité de maintenir une sexualité normale.
Et chez les mâles, ceux qui ne peuvent plus honorer leur partenaire, sont souvent rejeté par une société qui place le sexe au plus haut niveau et qui ne fait pas de cadeaux sur le sujet. Le plus souvent repliés sur eux-mêmes les hommes concernés se plongent dans le déni, préférant ne pas en parler ou en entendre parler. Idem pour ceux qui ne sont pas concernés qui ne préfèrent pas savoir et encore moins se faire dépister par une simple analyse de sang et/ ou un toucher rectal, lorsqu’ils atteignent la cinquantaine.
Il est vrai que dans le cas où la prostatectomie n’est pas appliquée, ou pas applicable, comme c’est mon cas – la tumeur cancéreuse étant positionnée en-dessous de la prostate, à cheval sur cette dernière et les sphincters urinaires -, les traitements qui seront appliqués après radiothérapie, lorsque la tumeur est localisée et n’a pas métastasée ou chimiothérapie dans le cas contraire, a de quoi faire frémir les hommes qui veulent conserver une sexualité affirmée.
« L’acte sexuel n’est pas le seul élément de la sexualité »
En effet parmi l’arsenal médical dont dispose l’oncologue, les traitements hormonaux appelés hormonothérapie sont les plus souvent utilisés. Puisqu’il s’agit d’un cancer hormono-dépendant, – qui dépend de la testostérone -, le principe est de maintenir cette hormone au plus bas afin qu’elle ne diffuse pas ou peu dans le reste du corps. Ce traitement est souvent accompagné d’un autre qui permet de lutter contre l’andropause, c’est-à-dire un déficit androgénique.
Un élément de plus qui n’encourage pas les hommes à poursuivre dans cette voie. « Quand on annonce les effets secondaires, c’est-à-dire baisse de la virilité et de la sexualité, certains hommes refusent et préfèrent attendre un meilleur moment », déclarait mon oncologue lorsqu’elle m’a annoncé la nouvelle. La difficulté, c’est qu’il n’y a pas de meilleur moment mais plutôt pire, avec une véritable invasion des cellules cancéreuses et une mort assurée précocement.
Alors certains vivent mal la situation et quand ils ne rompent pas avec leur conjoint, ils choisissent d’en passer par une solution plus expéditive, considérant qu’ils n’ont plus rien à faire dans une société qui le méprise parce que leur organe sexuel leur fait désormais défaut.
Et pourtant, les sexologues qui prennent en charge les hommes touchés par ce cancer et qui se retrouvent dépourvus, proposent des solutions. Cela passe par des médicaments qui permettent de retrouver une érection quasi parfaite, des injections dans les parties caverneuses, ou tout simplement un retour vers un équilibre avec son conjoint. « L’acte sexuel n’est pas le seul élément de la sexualité. Il existe d’autres moyens pour vivre en harmonie avec sa partenaire. La première chose étant d’en parler », me confiait un sexologue, lors d’un reportage.
Le cancer progresse plus lentement sur les corps sains, sur ceux qui maintiennent une activité physique et qui ne sombrent pas dans le repli et parfois dans la dépression. En parler, tout dire sur son cancer, en faisant fi des quolibets, est la première démarche à entreprendre. Et croyez-en mon expérience, messieurs, ça fait vraiment du bien. Et quant à ceux qui ne sont pas encore touchés, inutile de jouer l’indifférence, ce n’est pas bon pour le moral des personnes touchées. Au contraire, elles ont besoin d’un soutien appuyé. Écoutez-les et aidez-le à vivre cette étape douloureuse, en imaginant qu’un jour vous y passerez peut-être. Un homme sur sept est actuellement touché, alors pourquoi pas vous. Ca n’arrive pas qu’aux autres.